Judith, Sarah et les 66 millions.

66.
C’est le chiffre, en million qu’a donné la ministre des droits de la femme, Najat Vallaud Belkacem pour lutter contre les violences faites aux femmes.
66 millions pour 148 décès par an de femmes victimes de ces violences.

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Si les temps n’étaient pas si durs, peut-être que ce chiffre ne m’aurait pas paru aussi choquant.
Mais voilà, cette annonce m’a semblé tout sauf une bonne nouvelle.

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http://webistique.com/journee-de-la-femme/journee-femme-005/

Hier soir, j’ai vu mon amie Judith.
Trentenaire accomplie, graphiste, sympa. (prononcer le à la Coluche, merci.)
Judith  est en couple. Et je la croyais heureuse, Judith.
Elle l’est en quelque sorte. Mais c’est justement le « en quelque sorte » qui me pose problème. Car ce « en quelque sorte » me revient un peu trop aux oreilles ces temps-ci.
Judith est avec un homme depuis 5 ans. Un latino (pour elle, ça fait toute la différence).
Et depuis 5 ans, elle n’a pas beaucoup ri Judith avec son homme.
Par contre, elle a appris. Beaucoup. Apprit à être une fille qui ne demande pas grand-chose. Bientôt, elle sera au niveau de ce qu’attend d’elle son amant latin: elle ne demandera plus rien.

En 5 ans, elle est déjà passée d’une fille qui croyait en la fidélité et qui la réclamait à corps et à cri, à une fille qui dit ce genre de chose : « Il m’a dit qu’on pouvait faire ce qu’on voulait chacun de notre côté. Tant que l’autre ne le sait pas, il n’y a rien de grave. Je pense qu’il a raison. Il me fait du bien, il me force à mûrir».
Fortiche le latinos.
Je lui ai alors demandé si depuis cette grande révélation, elle en avait profité pour faire « des choses de son côté ». Elle me répond non, bien sûr. Je n’ai pas eu le cœur de lui demander ce qu’il en était pour son latino.
Alors je me dis que le problème vient peut-être de là. Du « latino » charmeur et infidèle.

Sauf que la chansonnette de Judith n’est pas la première qui me vient à l’oreille.

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Sarah. Un soir d’hiver dans un bar parisien. Il y a environ un an.
Sarah était avec Louis, pas du tout latinos et pas du tout un mec bien.Cette soirée là,  Sarah pleurait, encore. Parce que son Louis l’avait laissée tomber pour la soirée, encore.Heureusement, j’étais là. Comme toute bonne copine de fille qui ont des latinos ou des Louis dans leur vie.
Il avait une soirée Louis. Et à vrai dire, il ne tenait pas trop à ce que Sarah l’accompagne ce soir. Sauf que ça faisait huit mois qu’il avait des soirées, Louis. Et autant qu’il n’avait pas très envie que Sarah l’accompagne, ce soir. Alors j’ai soumis à mon amie l’idée qu’il serait peut-être temps qu’elle aille voir ailleurs si Louis n’y est pas.

Et soudain, j’ai remercié le Beaujolais nouveau d’avoir été vendangé à temps pour qu’on puisse le déguster ce soir-là. Il n’était pas bon, un goût de banane ou de cerise je ne sais plus, mais pas un goût de vin en tout cas.
Bref, après 3-4 verres (comprenez 6-7) de ce breuvage un peu étrange mais pas cher, j’ai entendu mon amie me dire cette phrase que même ma grand mère n’a jamais dû prononcer lors de ses fiançailles en 1921 :

« Mais tu sais les hommes, ils ne sont pas comme nous ; Ce sont des animaux.
Ils ont des besoins que l’on n’a pas. ET c’est normal qu’ils les assouvissent. L’homme doit partir chasser et la femme l’attendre, compréhensive à la maison. C’est comme ça depuis la nuit des temps. »

Et là, elle me donne la solution à tous nos problèmes.Une solution qu’un Imam Islamiste adepte de la Charia aurait trouver réactionnaire :
« Mais si tu es patiente et discrète, un jour il te remerciera. Oh, il ne te le dira pas, mais il te remerciera en te gardant à ses côtés ».

Merci, Monsieur est trop bon.

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Alors à entendre ce genre de choses à une année d’intervalle (et je vous fais grâce de toutes celles entendues entre temps), je me dis que les violences contre les femmes ne sont pas prêtes de s’arrêter.

Car si ces jeunes femmes européennes, instruites, et indépendantes en arrivent à penser ça après le travail soigné de leurs latinos de Louis, je me dis que nous ne sommes pas sur la bonne voie.

Et que les 66 millions n’y changeront rien.

Bien sûr, multiplier les kits de viols dans les hôpitaux, développer les lignes téléphoniques de secours sont des choses nécessaires.

Mais ce sont les mentalités qu’il faut changer. Et vite.
Avec le discours dépassé voire réactionnaire (c’est l’Imam qui le dit) de certains groupes de féministes, les jeunes femmes d’aujourd’hui prennent le contre-pied de leurs combats. Elles ne se reconnaissent pas dans ces luttes trop souvent politisées pour être adoptées par toutes.

Et de ces temps de retour en arrière, la re-création d’un ministère des droits de la femme est peut-être le symbole le plus criant.

Perrine Vasque.

5 réflexions sur “Judith, Sarah et les 66 millions.

  1. Merci Perrine pour le petit lien (vers Webi).
    J’ai lu tout l’article, et j’y ai reconnu du talent : tu as réussi à me tenir jusqu’au bout 😉

    Petite faute de frappe ici : « Bien sûr, multiplier les kits de viols dans les hôpitaux, développer les lignes téléphoniques de secours dont des choses nécessaires »

    Bonne continuation 😉

  2. Un texte qui fait froid dans le dos écrit avec l’humour du désespoir ou de l’exaspération. Qui se lit comme on voudrait lire une fiction. Hélas ! Moi je suis latino et gay (!!!) et peut-être trop centré sur la difficulté des relations entre hommes. Je ne me suis pas assez penché sur la question pour savoir si les mentalités ne sont pas prèS de changer… En tout cas, je m’aperçois que certaines ne sont pas prêtes à le le faire…
    Merci pour ce témoignage.

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